Entretien avec Francis Delpeuch, Institut de recherche pour le développement
Que signifient précisément les termes « sous-alimentation » et « malnutrition » ?
Francis Delpeuch : Vous soulevez là une confusion sémantique, liée en partie à des problèmes de traduction de l’anglais au français. Par exemple, quand la FAO annonce qu’un peu plus d’un milliard de personnes «ont faim» en 2009, il s’agit d’un décompte réalisé à partir du bilan des disponibilités alimentaires dans chaque pays. Ce ne sont pas des personnes recensées dans des enquêtes de type épidémiologiques. Pour déterminer le niveau des disponibilités alimentaires, la FAO fait le compte de tout ce qui est produit dans un pays, y ajoute ce qui est importé et y soustrait les pertes et les exportations. Ensuite, elle fait un calcul par rapport à la population totale et au métabolisme de base pour définir le niveau des disponibilités alimentaires en calories et déterminer la part de la population en sous-alimentation chronique.
Voilà ce que la FAO décrit comme «la faim dans le monde», à savoir des personnes sous-alimentées en énergie ; sachant qu’en moyenne, un individu a besoin au minimum d’environ 1 800 kilocalories d’apports énergétiques par jour. En anglais, cette sous-alimentation se dit «undernourishment». Le problème, c’est qu’on entend souvent dire : « un milliard de personnes souffrent de malnutrition» ou «il y a un milliard de mal-nourris ». Or la malnutrition consiste en une mauvaise alimentation, par excès ou par carence, désignée dans ce dernier cas en anglais par le terme « undernutrition ». Comme en français la malnutrition s’emploie le plus souvent pour décrire des carences alimentaires, il serait utile d’emprunter un néologisme et parler de « sous-nutrition ». On distingue dans cette catégorie la malnutrition du jeune enfant, qui apparaît pendant la vie fœtale et la toute jeune enfance, avant deux ans, et se manifeste par de la maigreur ou un retard de croissance. La forme de malnutrition la plus répandue dans le monde est d’ailleurs constituée par des retards de croissance, c’est-à-dire des enfants qui n’ont pas un développement normal, mais peuvent ne jamais être maigres. Ces malnutritions ne résultent pas seulement d’un manque d’énergie mais de carences multiples et d’une conjugaison de causes sous-jacentes, alimentaires ou non. Il existe également des carences spécifiques en micronutriments – vitamine A, fer, zinc ou iode – souvent qualifiées de «faim cachée».
Enfin, pour être complet, une autre forme de malnutrition est la surnutrition, avec comme conséquences les plus emblématiques le surpoids et l’obésité et tout le cortège de maladies chroniques qui y sont associées : diabète de type 2, maladies hypertensives et cardio-vasculaires, certains cancers, etc.
Quelle est la gravité de ces phénomènes de malnutrition ?
Francis Delpeuch : Au cours des vingt dernières années, les connaissances nouvelles ont conduit à réévaluer l’importance de la nutrition et de l’alimentation pour la santé, le bien-être et le développement. La recherche a montré que les conséquences des malnutritions en termes d’impact pour les sociétés sont bien plus importantes qu’on ne l’admettait auparavant : près de la moitié des décès chez les enfants de moins de cinq ans sont liés à la malnutrition, en association avec diverses infections. La sous-nutrition affecte le développement physique et mental des individus et les séquelles sont irréversibles après l’âge de deux ans. De plus, les mères affectées dans leur enfance présentent un plus grand risque de donner naissance à des bébés de poids insuffisant. La carence en vitamine A peut rendre les enfants aveugles, la carence en fer engendre de grandes fatigues avec une productivité très diminuée et des enfants incapables d’apprendre à l’école. Le coût social et économique est énorme.
Que désigne-t-on alors comme «insécurité alimentaire» ?
Francis Delpeuch :La FAO définit l’insécurité alimentaire comme : «une situation caractérisée par le fait que la population n’a pas accès à une quantité suffisante d’aliments, sains et nutritifs leur permettant d’avoir une croissance et un développement normaux, d’être en bonne santé et de mener une vie active». > lire Repères p. 14
Les analyses des nutritionnistes parviennent-elles à identifier parmi le milliard de personnes qui ont faim celles qui relèvent de sous-alimentation chronique, celles qui subissent des situations de conflit, etc. ?
Francis Delpeuch :Ce milliard est établi en cumulant les chiffres nationaux. On dispose donc d’abord du nombre supposé de personnes à risque de sous-alimentation dans chaque pays et on sait aussi que la grande majorité de ces personnes se situe aujourd’hui en Asie et en Afrique. Mais on ne peut pas faire d’analyses plus fines, notamment infranationales, à partir de cet indicateur de la FAO puisque, rappelons-le, il est établi à partir des bilans nationaux de disponibilités alimentaires. Cependant, on sait aussi qu’en dehors des situations de conflit et de crise, ce sont d’abord les ménages pauvres qui sont touchés puisque le premier problème est celui de l’accès économique aux aliments.
Cet indicateur, qui est utilisé par la FAO pour le plaidoyer, a donc des limites. Certains pensent même qu’il est contreproductif pour faire reculer la sous-alimentation dans le monde. Ainsi, dans un éditorial récent consacré au dernier Sommet mondial de l’alimentation de la FAO, The Lancet, une des toutes premières revues médicales au monde, s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles des individus continuent massivement à mourir et à souffrir de handicaps irréversibles parce qu’ils n’ont pas assez à manger. Et ceci malgré la pléthore d’initiatives internationales et les investissements importants dans des technologies innovantes. Le The Lancet évoque deux raisons rarement avancées. Il appelle d’abord la communauté internationale à ne plus utiliser le mot «faim» pour parler de la sous-nutrition ; estimant que cette description subjective ramène la sous-nutrition, dont les conséquences sont immenses, au phénomène physiologique courant de la faim que chacun peut ressentir quand il n’a pas mangé pendant quelques heures. Il considère ensuite que le fait d’utiliser des disponibilités énergétiques pour mesurer la sous-nutrition entraîne de la confusion chez les décideurs. Par conséquent, il appelle à utiliser plutôt un indicateur plus direct pour les adultes (chez les enfants on a déjà de bons indicateurs), en l’occurrence l’indice de masse corporelle (IMC = poids/taille²) avec des seuils standards internationaux qui ont déjà été validés (inférieur à 18,5 et à 16 pour les cas sévères). L’IMC est déjà largement utilisé par les nutritionnistes, et le Lancet note qu’à l’autre extrémité de l’échelle, depuis la fin des années 1990, ce ne sont pas les disponibilités alimentaires qui sont utilisées pour mesurer la «surnutrition» (surpoids et obésité) mais bien les IMC élevés (> 25 et > 30 respectivement).
Les personnes sous-alimentées recensées dans le monde par la FAO sont en forte majorité situées dans les pays en développement…
Francis Delpeuch : La FAO considère que le problème de la faim est réglé dans un pays quand la part de la population qui est sous-alimentée est inférieure à 5 %. Sur le milliard de sous-alimentés dans le monde, seulement 15 millions vivent dans des pays riches industrialisés. >lire Repères p. 28 La sous-alimentation est donc bien d’abord un problème de pays pauvres.
En revanche, la distribution des malnutritions est de plus en plus complexe. Par exemple, des problèmes de sous-alimentation et de malnutritions carentielles coexistent avec des problèmes d’obésité dans la plupart des pays en développement. C’est ce qu’on appelle la « double charge de malnutrition ». Plus marquant encore, dans un certain nombre de pays, assez peu en Afrique noire, mais en Afrique du Nord, en Amérique latine ou dans certains pays asiatiques, on enregistre une proportion non négligeable de ménages qui comptent en leur sein des problèmes de malnutrition à la fois par carence et par excès ! Vous rencontrez ainsi des familles où un enfant est en retard de croissance alors que la mère est en surpoids ou obèse…
Quel est le champ d’expertise constitué autour de la sécurité alimentaire ?
Francis Delpeuch : Le cercle des experts qui travaillent sur la sécurité alimentaire stricto sensu est assez restreint. Il s’agit principalement d’économistes agricoles et de politistes, qui cherchent à caractériser la sécurité alimentaire, à en analyser les déterminants et, éventuellement; à proposer des options de politiques publiques pour la garantir. Ce sont eux qui ont fait évoluer le concept. >lire Repères p. 14 En dehors de ce premier cercle, il existe un vaste champ d’expertise, issu de nombreuses disciplines (par exemple toutes celles qui interviennent sur la production et son conditionnement) et dont les travaux peuvent contribuer à améliorer les connaissances sur la sécurité alimentaire, sans que cette dernière constitue un objet de recherche explicite.
Par exemple, il a été montré que la pauvreté est à la fois une cause et une conséquence des malnutritions. Toutefois, la croissance économique ne se traduit pas nécessairement par une amélioration rapide de la situation nutritionnelle. La nutrition peut même ne pas suivre du tout la croissance des revenus. Ceci a été mis en évidence par une analyse comparée des pays dans lesquels l’insuffisance pondérale des jeunes enfants avait diminué notablement. Les questions d’affectation des ressources et d’équité dans leur répartition sont ici cruciales, de même que les questions de genre : statut et niveau d’éducation des femmes. Une illustration en est le Kerala, l’un des États les plus pauvres de l’Inde : il présente une situation sanitaire et nutritionnelle bien meilleure que le reste du pays en raison des politiques mises en place dans le domaine social, de l’éducation et de la santé. >lire p. 56
Les travaux d’Amartya Sen sur la pauvreté ont également été déterminants, relevant le fait que les situations de crise alimentaire sont souvent liées à des contextes politiques troublés.
Quel sont les grands appareils d’expertise internationale ?
Francis Delpeuch :D’abord la FAO, bien sûr, mais aussi le Fonds international de développement agricole (Fida) et le Programme alimentaire mondial (PAM), qui ont développé leur propre expertise. Il faut également compter les différents Centres internationaux pour la recherche agricole, qui constituent une alliance originale entre les gouvernements, les institutions internationales et les fondations privées pour promouvoir la sécurité alimentaire et réduire la pauvreté. Notamment le très influent Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri). L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a pris un poids de plus en plus important à travers les questions de libéralisation des échanges agricoles. >lire p. 37 L’OMC a également arbitré des différends portant sur des questions alimentaires comme les hormones de croissance dans la viande de bœuf ou les quotas de pêche.
Comptent également les grandes fondations philanthropiques privées, comme la Fondation Rockefeller. Enfin, les principales ONG internationales constituent des lieux d’expertise ainsi, évidemment, que le monde universitaire. Par exemple, l’Institute for Development Studies, au Royaume-Uni, a eu une grande influence, notamment grâce aux travaux de Simon Maxwell, qui ont été essentiels dans l’évolution du concept de sécurité alimentaire1. Dans les années 1980, Simon Maxwell a travaillé sur la prise en compte de la perception qu’ont les individus de leur propre situation : est-ce qu’ils se sentent ou non en insécurité alimentaire ? L’idée sous-jacente était que les objectifs et les actions à mener pour vaincre l’insécurité alimentaire devaient être décidés par les individus eux-mêmes.
Les travaux d’Amartya Sen sur la pauvreté ont également été déterminants, notamment la relation qu’il a démontrée entre démocratie et sécurité alimentaire, relevant le fait que les situations de crise alimentaire sont souvent liées à des contextes politiques troublés2 . Ces travaux ont contribué à relativiser l’approche technique et productiviste pour introduire l’importance des questions d’organisation humaine dans les causes de la famine. >lire Repères p. 14
Aujourd’hui, les questions de nutrition semblent être de plus en plus reconnues s’agissant de la sécurité alimentaire…
Francis Delpeuch : La tendance est en effet de parler, enfin, de sécurité alimentaire et nutritionnelle. À la suite de la crise alimentaire de 2007-2008, il a été proposé de créer un Partenariat mondial pour l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition, doté d’un groupe d’expertise qui constituerait une sorte de «GIEC3 de la sécurité alimentaire». >lire p. 41 C’est déjà une petite révolution que ce projet adopte le terme de nutrition dans son intitulé. C’est pourtant essentiel.
Par exemple, tous les dispositifs classiques de prévention ou de prévision des crises alimentaires avaient été incapables de prévoir l’impact nutritionnel de la crise alimentaire au Niger en 2005, parce qu’ils étaient encore très orientés sur les seuls facteurs agro-météorologiques et économiques. Mais pas du tout sur ce qui se passait d’un point de vue nutritionnel à l’échelle des ménages. Les spécialistes de l’agriculture ou de l’économie étaient d’ailleurs frappés de constater que cette crise était plus marquée dans la région considérée comme le «grenier du Niger»…
Ces évolutions vers une meilleure prise en compte de la complexité du problème alimentaire conduisent-elles à la formulation de nouveaux paradigmes ?
Francis Delpeuch : Depuis Malthus, il existe un débat récurrent sur le niveau de la production alimentaire à atteindre au regard du nombre de bouches à nourrir. Ce débat est toujours prégnant aujourd’hui avec la perspective d’atteindre 9 milliards d’habitants sur la planète en 2050. Or, même s’il restait 800 millions de personnes sous-alimentées à la fin des années 1990, tout le monde s’accorde pour dire que la recherche agricole n’a pas si mal réussi que cela : en 2000, les sous-alimentés représentaient 14 % de la population mondiale, contre 25 % dans les années 1960-1970. >lire Repères p. 28
C’est pour dire que dans un contexte de très forte croissance démographique, le XXe siècle n’a pas donné raison à Malthus ! Mais tout le monde reconnaît aussi que le paradigme productiviste, qui a dominé la seconde moitié du XXe siècle, atteint aujourd’hui ses limites.
Depuis quelques années, deux paradigmes émergent, sans qu’on puisse dire aujourd’hui si l’un l’emportera ou si les deux cohabiteront. D’abord, celui centré sur les sciences du vivant, avec comme disciplines phares la biologie et l’ingénierie génétique, fondé sur l’hypothèse, non encore vérifiée, qu’il deviendra possible de traiter et de contrôler tous les problèmes ensemble, du laboratoire au champ, puis à l’assiette.
La recherche agricole n’a pas si mal réussi que cela : en 2000, les sous-alimentés représentaient 14 % de la population mondiale, contre 25 % dans les années 1960-1970.
L’autre paradigme, fondé sur l’agroécologie, apparaît davantage multidisciplinaire et cherche à renouveler des formes d’équilibre avec la nature. Il semble avoir en partie inspiré la récente Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD), qui constitue une démarche intergouvernementale très intéressante. En effet, elle a réuni plusieurs institutions internationales : la FAO, le Programme des Nations unies pour le développement, le Programme des Nations unies pour l’environnement, l’Unesco, le Fonds mondial pour l’environnement, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé. Soit un échantillon très large d’un point de vue thématique. De plus, à la surprise de beaucoup, les priorités d’action tirées de cette évaluation ont été relativement novatrices : investissement dans des systèmes de production durables ; promotion des modèles agricoles basés sur la biodiversité locale ; soutien accru aux petits producteurs ; etc. Dans un contexte de forte croissance démographique et de crise économique, l’IAASTD a appelé à un changement de paradigme dans les modes de production agricole. L’objectif étant de produire des aliments de qualité en quantité suffisante et, surtout, de manière durable.
Quelles devraient être aujourd’hui les priorités de recherche au regard des grands défis posés à la sécurité alimentaire dans le monde ?
Francis Delpeuch : Le schéma sur lequel a reposé l’amélioration de la sécurité alimentaire au XXe siècle – notamment l’utilisation d’une énergie fossile disponible et bon marché – est remis en cause par une conjonction peut-être sans précédent de facteurs structurels majeurs : la poursuite accélérée de la croissance démographique et des mouvements d’urbanisation ; les changements climatiques et leurs impacts sur les ressources naturelles ; l’extrême volatilité des cours des matières premières agricoles ; la limite des surfaces cultivables ; la concurrence des agrocarburants ; l’accaparement de terres agricoles dans des pays où l’insécurité alimentaire prévaut >lire p. 26 ; les menaces qui pèsent sur les ressources en eau et, enfin, les changements dans les régimes alimentaires marqués par le passage, dans les pays émergents, d’une alimentation essentiellement à base végétale à une alimentation caractérisée par une surconsommation énergétique, avec plus de produits animaux et plus de produits manufacturés.
L’agenda de recherche est dicté par ces défis, qui exigent une approche intégrée du système alimentaire mondial : que se passe-t-il de la production à la consommation et quels sont les impacts sur la santé et l’environnement ? L’absence de vision intégrée empêche d’appréhender les aberrations de nos systèmes alimentaires, à savoir les pertes considérables de produits tout au long de la chaîne alimentaire, la dégradation des milieux biologiques, la perte du lien entre santé et alimentation, la coexistence de la sous-nutrition et de l’obésité, etc. Mais la prise de conscience croissante du fait que ce qui est considéré comme défavorable à la santé humaine l’est aussi pour l’état de notre planète invite à l’optimisme. Cette conjonction d’intérêts devrait permettre de créer de nouvelles alliances entre société civile et expertise pour concevoir des systèmes alimentaires durables, résilients et favorables à la santé et à l’environnement.
Cette somme d’enjeux globaux fait quand même voler en éclat le traditionnel clivage Nord/Sud, ou disons, pays riches/pays en développement, qui est constitutif de la question de la sécurité alimentaire…
Francis Delpeuch : Absolument. D’abord d’un point de vue conceptuel. Par exemple, quand Jean-Louis Borloo déclare qu’il faut «produire et consommer localement». Jusqu’ici, on entendait cet argument dans quelques cercles académiques et de la bouche des ONG, mais qu’aujourd’hui, un décideur politique s’empare de cette idée montre bien qu’on entre dans une nouvelle ère. Alors oui, quand c’est possible, il faut essayer de développer la suffisance alimentaire, ce qui ne consiste pas pour autant à revenir au concept d’autosuffisance et à mettre fin aux échanges commerciaux. D’autant que, dans un contexte marqué par les changements climatiques, les échanges internationaux de produits alimentaires resteront importants. Toutefois, la crise de 2008 nous a quand même montré la grande vulnérabilité des pays qui dépendent des importations.
Ensuite, face à ces enjeux globaux, l’expertise devra se décloisonner. Par exemple, en matière de santé et de nutrition, de plus en plus de personnes considèrent que les solutions doivent être raisonnées en fonction de l’environnement. Récemment, le Comité permanent de nutrition des Nations unies (SCN) a publié un communiqué intitulé «The SCN goes green». Tout un programme ! Donc ça bouge, il y a des raisons d’être optimiste…
Autre exemple, l’Assemblée mondiale de la santé, organe directeur de l’OMS, a adopté en 2004 une stratégie pour l’alimentation et l’activité physique dont les orientations sont les mêmes pour les pays riches et les pays en développement. Ensuite, les déclinaisons locales sont différentes, mais les principes sont identiques.
Finalement, comment la recherche parvient-elle à informer les décideurs politiques ?
Francis Delpeuch : Assez mal, me semble-t-il, dans le domaine de la sécurité alimentaire. L’image renvoyée par les médias est souvent celle d’une situation d’urgence, qui incite à la charité et l’aide humanitaire. C’est évidemment essentiel, et il ne s’agit pas de remettre en cause l’aide alimentaire lorsqu’elle est indispensable, mais ce n’est qu’une partie du problème. Les scientifiques n’arrivent pas à mobiliser les pouvoirs publics sur des situations à traiter dans la normalité, sur le long terme, et pas seulement dans l’urgence, c’est une forme d’échec. Cela s’explique notamment par le fait qu’en dehors d’appareils dominants comme la FAO, la recherche est dispersée. Là encore, l’exercice de synthèse mené par l’IAASTD a été très utile, en produisant un résumé pour les décideurs, à l’instar de ce que fait le GIEC.
- 1) Voir notamment :
«National food security planning: first thoughts from Sudan». In: Paper presented to the workshop on food security in the Sudan, IDS, University of Sussex, Brighton, 1988.
«Food security in developing countries: issues and options for the 1990s.» IDS Bulletin 21, p. 3 July 1990.
«Food security: a post-modern perspective.» IDS Working Paper 9, 1994. - 2) A. Sen, Poverty and Famines–An Essay on Entitlement and Deprivation, Oxford University Press, 1981.
- 3) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.Lire Courrier de la planète n° 89-90 : « Changements climatiques : s’adapter, maintenant ? »
En savoir plus
- J. von Braun, « Food security must be comprehensively addressed ». IFPRI 2008-2009 Annual Report Essay.
- J. von Braun and M. Torero, « Implementing physical and virtual reserves ». IFPRI Policy Brief 10, February 2009.
- M. Ruel and J. Hoddinott, « Investing in early childhood nutrition ». IFPRI Policy Brief 8, November 2008
- G. Nelson et al., « Climate change: impact on agriculture and costs of adaptation ». IFPRI Policy Seminar, October 5, 2009.